LA FOIRE DE MON PERE
Un père
peut-il être encombrant au point de faire naître une vocation ?
Depuis
longtemps, on se disait que Didier Van Cauwelaert nous étonnerait avec un roman
longtemps mûri et dont l’histoire originale et saisissante nous laisserait sans
voix. Le livre est bien là mais la fiction a laissé la place au réel, à
l’histoire familiale. Didier Van Cauwelaert raconte son père, mort plusieurs
fois, renié, adopté, retrouvé, l’homme avec qui un enfant grandit, coûte que
coûte. Et on lit ces confessions sans rechigner. Certes, la confidence est un
exercice où l’anecdote est omniprésente, le passé et ses petits évènements
viennent encombrer la tapisserie d’arabesques baroques; peu importe, car au
delà du dessin qui s’impose à l’œuvre, c’est la trame, solide et invisible, qui
passionne le lecteur averti : comment devient-on écrivain ? Au delà
des chroniques d’un temps passé qui feront se pâmer les enfants de la télé et
les nostalgiques du noir et blanc apparaissent les fractures, les cicatrices,
les lambeaux de ce qui forme l’homme et nous aide à supporter la vie si on a le
courage de résister au néant. Sincère, simple, Didier Van Cauwelaert nous livre
ce qui fut sa coexistence d’auteur avec un père plus romanesque que n’importe
quel héros de littérature. Mentir, inventer, rêver, puis finalement écrire,
c’est-à-dire rêver, inventer, mentir. Pas facile de grandir dans la famille des
Van Cauwelaert. On découvre avec un bonheur non dissimulé les coulisses d’une
vie d’écrivain, on reprend goût au décor en découvrant les cintres et les
loges. C’est cette vie là, non dissimulée, restituée, qui prolonge la relation
avec le lecteur. A lui, anonyme, si loin si proche, d’adopter et l’auteur et sa
vie intime. Eric Cabot
Le père adopté, Didier Van Cauwelaert. Albin Michel.